
Le Ghana, réputé pour être, des siècles durant, la plaque tournante de la traite négrière, via, entre autres, le célèbre château de Cape Coast, a proclamé 2019 “Année du retour”, une occasion pour la diaspora africaine de se reconnecter avec son histoire et de faire un pèlerinage aux terres de ses ancêtres.
Lancée par le président ghanéen Nana Akufo Addo, pour célébrer les 400 ans de l’arrivée du premier navire d’esclaves à Jamestown en Virginie, aux États-Unis, l’“Année du retour” est une invitation aux descendants d’esclaves de rejoindre la terre de leurs ancêtres et de leur rappeler leurs racines.
Tout au long de l'année, le Ghana organise des sommets sur l’investissement, des rencontres de dirigeants et des activités culturelles pour commémorer les victimes de l'esclavage et attirer sur son territoire les descendants de ces hommes et femmes arrachés de force à leurs terres et réduits à l'état de marchandises. Retenir ses ressortissants, les dissuader d'émigrer et faire revenir ceux qui, pour des raisons économiques, ont quitté le Ghana est l'autre objectif affiché de cette campagne lancée par le pays.
Ainsi, le Ghana cherche à se placer comme destination incontournable du tourisme mémoriel en Afrique de l'Ouest pour répondre au désir croissant des descendants d'esclaves en Amérique de remonter la trace de leurs ancêtres.
Depuis que l'ex-président américain Barack Obama a visité le fort de Cape Coast en 2009, le pays est devenu un haut-lieu de tourisme mémoriel pour les descendants d'esclaves à travers le monde.
Un concept issu du panafricanisme revisité
Le Ghana avait lancé en 2007 le “Projet Joseph”, une initiative, tout comme l’actuelle, qui visait à encourager les membres de la diaspora africaine à revenir pour les connecter au reste du continent.
Ce projet, dans le cadre duquel une série d’activités, d’actions et d’interactions ont été organisées, avait également pour objectif de rétablir la nation africaine en tant que nation de tous ses peuples et de faire du Ghana une véritable passerelle vers la patrie des Africains de la diaspora.
En 2000, la loi sur le droit de résidence était promulguée, accordant aux personnes d’ascendance africaine la possibilité de s’installer définitivement au Ghana, même si la technicité juridique du processus en fait une démarche compliquée.
Le premier Président du Ghana, Kwame Nkrumah, prônait déjà l’idée de faire revenir “à la maison” les membres de la diaspora, incarnant ainsi la vague de panafricanisme et d’unité noire qui a submergé le continent dans les années 1950 et 1960, lorsque la plupart des pays africains ont obtenu leur indépendance de leurs colons européens.
Premier pays d’Afrique subsaharienne à se libérer de son colonisateur européen en 1957, le Ghana a accueilli plusieurs personnalités du mouvement de libération noire: le précurseur de la lutte pour les droits civiques aux États-Unis, William Edward Burghardt Du Bois, a déménagé à Accra en 1961 et y a vécu pendant deux ans avant de mourir en 1963;. La poète et écrivaine, Maya Angelou, a aussi vécu au Ghana dans les années 1960 et Malcom X s’y est rendu à la même époque, alors que Muhammad Ali y a voyagé en 1964.
400 ans d’esclavage et 15 millions de victimes
Au Ghana, les forts et les donjons construits le long de la côte Atlantique témoignent encore aujourd'hui du sort des esclaves envoyés par bateaux en Amérique. Pendant trois siècles, la Côte-de-l'Or britannique, ancien nom du Ghana, a été l'un des principaux points de départ de ce trafic.
Même s’il n’y a pas de chiffres exacts, l’UNESCO estime qu’entre le 16e et le 19e siècle, près de 15 millions d’hommes, de femmes et d’enfants ont été embarqués de force sur des navires négriers et vendus en tant qu’esclaves aux Amériques. Le château de Cape Coast était notamment utilisé à cet effet.
