
La notion de la beauté est subjective et elle évolue selon les époques, les pays et les personnes. Les uns influencent souvent les autres. Les canons et les standards de beauté sont parfois si importants qu’ils poussent les gens à recourir à la chirurgie plastique ou à des interventions médicales très coûteuses, mais aussi parfois, à des méthodes traditionnelles.
Un peu partout dans le monde et surtout en Amérique du Nord et en Amérique Latine, des millions d’interventions chirurgicales esthétiques sont effectuées chaque année. L’augmentation mammaire et l’augmentation du volume des fesses sont les interventions les plus demandées.
Les formes généreuses sont-elles synonyme de beauté ?
Dans le Maroc traditionnel comme dans d’autres pays du monde, les femmes, pour être belles, devaient être grosses, selon la sociologue Soumaya Naamane Guessous. Même sur les tableaux d’art d’autrefois, les femmes peintes étaient toujours de formes généreuses. Au Maroc, il y a encore des femmes qui se dopent pour rester grosses.
“Les femmes d’antan ne pouvaient pas être minces parce que mince veut dire rachitique et est synonyme de mauvaise santé. C’est dire que la femme n’est pas apte à gérer un foyer ni à enfanter”, indique-t-elle à BAB, ajoutant qu’à partir du 20ème siècle, la femme est devenue beaucoup plus active et bougeait encore plus hors du champ de la maison. Petit à petit, la silhouette des femmes a commencé à s’affiner et en même temps avec le début du cinéma, on a commencé à voir des stars à la silhouette plutôt fine.
Pour Mme Naamane Guessous, “les canons de la beauté de jadis étaient propres à des régions parce que il n’y avait pas d’influence”. A partir du moment, dit-elle, où il y a eu la télévision et les chaînes satellitaires et ensuite Internet, l’Occident a imposé son diktat de mode avec des mannequins qui devaient porter du 34 et ressembler à Barbie. Puis après, il y a eu à la télévision des émissions qui relient la grosseur à un problème de santé. C’est-à-dire que la santé devait être surveillée par la nourriture.
“Actuellement au Maroc, on entend dire qu’être grosse représente un danger pour la santé. À partir de là, les femmes ont commencé à vouloir maigrir. Or, chaque corps s’amincit à sa façon. Il y a des femmes qui perdent du poids au niveau de la poitrine, d’autres au niveau des fesses….Le résultat est un nouveau type de corps pas très harmonieux”, fait-t-elle savoir.
Alors que des femmes affichaient fièrement leur minceur, aujourd’hui, à l’ère d’Internet, elles exposent leurs fesses et leurs poitrines proéminentes, parfois un peu trop, sur les réseaux sociaux, note-t-elle.
“Cette vague a surtout pris de l’ampleur avec la starlette américaine Kim Kardashian, vedette de télé réalité et styliste, ayant fait le buzz sur la toile en affichant fièrement ses fesses dans des tenues très moulantes”, dit-elle, ajoutant que c’est grâce ou à cause de cela que Kim est devenue une icône mondiale de beauté et de séduction. Influencées par les silhouettes et les corps dits “instagrammables” et puisque la mode était aux gros seins et aussi aux grosses fesses, les femmes cherchent à arranger leur corps, relève Mme Naamane Guessous. “Celles qui en ont les moyens font appel à la chirurgie esthétique: injection de graisse dans les fesses ou pose de prothèses. Celles qui n’ont pas de moyens utilisent la méthode de algoula, alkallouche ou lagdira (amphore) en terre cuite pour faire grossir leurs fesses, hanches et seins”.
D’autres se dirigent vers des alternatives moins chères mais jugées dangereuses tel Dardake (gélules destinées à engraisser les animaux), des suppositoires, des crèmes et des produits chimiques.
Il suffit aussi de voir certaines youtubeuses marocaines qui exhibent leurs généreux postérieurs et qui arrivent à attirer des milliers de vues (le phénomène Routini al Yaoumi), fait remarquer Mme Naamane Guessous, relevant que les femmes les suivent parce que ce sont elles qui façonnent les canons de la beauté. Ils constituent une certaine mode et une certaine culture auxquelles les femmes s’identifient et vont s’identifier pour ne pas être marginalisées, d’un côté. D’un autre côté, certaines femmes ne font pas ça pour elles-mêmes mais elles le font pour les hommes.
Au Maroc, on a toujours dit que les hommes aiment les grosses fesses. Les poitrines pas toujours. Dans les croyances et la perception des femmes, l’homme marocain aime les grosses fesses mais ce n’est pas toujours vrai, il y a des hommes qui n’aiment pas du tout et qui sont écœurés, dit Mme Naamane Guessous, ajoutant que comme nous sommes dans un jeu de séduction, et on a une population très jeune et que les femmes sont obsédées par le mariage et par l’idée d’épouser le prince charmant qui a les moyens pour accéder à un certain luxe, le mariage est encore perçu comme ça par beaucoup de filles.
D’après Mme Naamane Guessous, pour se donner beaucoup de chance pour avoir des partenaires avant le mariage et attirer le meilleur des hommes à leur façon à elles, il faut séduire, attirer le regard des hommes pour différentes raisons.
Les composants du “sexy” changent à travers le temps. Là, le “sexy” pour beaucoup de femmes, pas toutes, c’est avoir de grosses fesses, de grosses poitrines et des grosses lèvres aussi, dit-elle.
Selon Mme Naamane Guessous, les femmes recourent à l’augmentation des fesses et des poitrines pour s’identifier à un certain groupe de femmes à la mode ou pour remédier à un complexe. Ledit complexe renvoie toujours à un miroir: comment me voit la société? Ces femmes, si elles vivaient seules sans le regard de la société, elles ne sauraient rien et elles s’assumeraient. Mais là, on a un modèle qui est imposé parce que la femme grosse est plus valorisée que la femme mince. L’effet miroir que s’applique cette dernière lui fait sentir comme plate et moche.

Le BBL ou les fesses à la brésilienne: rien ne se perd, tout se recycle
Trop “plates” et manquant de petites rondeurs… beaucoup de femmes sont insatisfaites de l’apparence de leurs fesses. Les canons de la beauté de nos jours prônent une silhouette plutôt fine mais parée de courbes harmonieusement réparties.
Les fesses, symboles de sensualité, peuvent être une source de complexe. Même en suivant un programme sportif complet, il est possible que cela ne suffise pas à modifier significativement l’apparence de cette zone. Parmi les techniques les plus en vogue actuellement, celle brésilienne appelée le BBL (Brazilian Butt Lift).
Le BBL ou le lipofilling est une technique d’augmentation du volume des fesses par réinjection de sa propre graisse. Le but ? Avoir un postérieur rebondi sans passer par la case implants. Il permet à la fois d’augmenter le volume et de modifier les contours de la fesse pour la rendre plus harmonieuse.
Développé au Brésil, le lipofilling des fesses est une technique sophistiquée qui permet d’obtenir des résultats stables et significatifs.
Contacté par BAB, Dr Khalid Berrada, spécialiste en chirurgie esthétique, plastique et reconstructive, explique qu’avant l’apparition de la technique du lipofilling, on utilisait des prothèses. “Maintenant, on les utilise de moins en moins parce que c’est une intervention qui peut comporter quand même pas mal de risques et les suites opératoires sont plus ou moins lourdes”, dit-il. Selon le Dr Berrada, le lipofilling a pu donner une solution beaucoup plus facile et pratique. “La seule différence, c’est lorsqu’on recourt à des prothèses, on va avoir des volumes stables. Pour le lipofilling, comme c’est une auto-graisse qu’on injecte dans le corps, il y a un pourcentage de résorption qui peut aller de 38% jusqu’à 40%, selon le cas”.
Et de préciser: “Lorsqu’on prépare la graisse pour l’injecter dans les fesses, on fait une surcorrection de près de 30%. Par exemple, au lieu de mettre 100 grammes, on met 150 grammes et on a de bons résultats”, souligne le spécialiste.
En effet, le lipofilling n’est pas une opération chirurgicale mais une lipoaspiration durant laquelle on enlève la graisse d’un endroit et on la réinjecte dans un autre. “La technique a son importance: au moment de la réinjection, il faut mettre la graisse dans les muscles, pas sous la peau ni dans une atmosphère graisseuse. La graisse doit être vascularisée par un entourage vascularisé comme le muscle”, explique-t-il.
BBL: les contre-indications et les risques
Comme pour toute intervention, il y a des contre-indications. La première, selon Dr. Berrada, c’est qu’une personne maigre ou qui ne dispose pas d’assez de graisse dans son corps ne peut pas faire de lipofilling parce que la quantité de graisse injectée ne peut pas donner le résultat souhaité.
Ensuite, il y a l’état général. Avant toute intervention, on procède à une consultation pré-anesthésie qui permet d’examiner l’état de santé de la patiente pour voir si elle a une contre-indication cardiaque, vasculaire ou métabolique qui empêche toute intervention chirurgicale. La patiente passe par un bilan pré-opératoire chapeauté par le médecin anesthésiste.
“Si la patiente présente une tare ou est susceptible de faire une complication, il faut tout abandonner”, souligne Dr. Berrada.
“Il y a un autre facteur, plutôt subjectif, que je considère personnellement comme une contre-indication. C’est quand la femme vient faire cette intervention non pas pour elle-même, parce que c’est son désir, mais pour satisfaire son partenaire ou parce qu’elle se trouve sous pression. Dans ce cas-là, je n’accepterai pas de le faire”, poursuit-il. “Pour les personnes maigres et qui ne veulent plus avoir le complexe des fesses aplaties, le recours à des prothèses permet de booster leur estime de soi”.
En ce qui concerne les risques liés au BBL, le Dr. Berrada affirme que ceux-ci ne diffèrent pas des risques que comporte toute intervention chirurgicale nécessitant une anesthésie générale, telle une embolie ou une phlébite.
“Il y a aussi un risque propre à la localisation. C’est-à-dire que le risque d’une injection au niveau des fesses n’est pas le même qu’une injection au niveau des joues ou des mollets”, précise-t-il, ajoutant que la seule complication, récurrente mais bénigne, c’est l’infection qui est traitée avec des antibiotiques et un drainage.
“Il suffit que l’opération soit faite en bonne et due forme, dans de bonnes conditions et dans un milieu médical”, affirme-t-il, précisant que pour les suites post-opératoires, il faut que la personne évite de s’asseoir sur les fesses pendant une certaine période, le temps que la graisse s’installe et prend bien forme et pour favoriser l’auto-vascularisation.
En parallèle, il y a un protocole thérapeutique constitué d’antibiotiques et d’anticoagulants qu’on prescrit en fonction de chaque cas clinique. Après, la personne peut mener sa vie d’une façon normale.
Interrogé sur la tranche d’âge des femmes qui demandent le plus cette intervention, Dr. Berrada dit que ce sont la plupart du temps de jeunes femmes entre 20 et 40 ans.
“Les femmes qui ont recours à cette intervention le font généralement pour leur propre bien-être ou bien pour suivre un courant de mode. Ce qui importe, c’est l’impact psychologique de l’intervention sur la personne”, estime-t-il.

L’augmentation mammaire, le “best-seller”
Symboles de féminité absolue, les seins peuvent se relâcher sous l’effet de l’âge, après une grossesse ou un allaitement ou bien après une perte de poids, et perdent ainsi de leur volume et leur élasticité. Pour retrouver une poitrine rebondie et pulpeuse, plusieurs techniques sont proposées en fonction de l’anatomie de la femme: implant, injection de graisse, etc.
Selon Dr Ali Bouchama, plasticien-chirurgien, il existe plusieurs techniques pour l’augmentation mammaire par prothèses.
“Le terme correct est plutôt ’l’implant’ parce que ’les prothèses’ sont quelque chose qu’on met et qu’on peut enlever. Le concept des implants mammaires c’est comme les implants dentaires: une fois fixés, c’est définitif. Mais en général, tout le monde les appelle ’prothèses mammaires’ pour faire plus simple”, explique-t-il à BAB.
Mettant en avant la popularité de cette chirurgie, il souligne qu’“au Brésil, l’intervention la plus pratiquée et la plus demandée par des millions de patientes c’est l’augmentation mammaire par prothèses. A Rio de Janeiro par exemple, il y a une intervention chaque deux minutes”.
L’engouement est tel qu’à certaines périodes de l’année, il y a des ruptures de stock des prothèses dans tout le pays, dit-il.
Interrogé sur l’augmentation du risque de cancer chez les patientes porteuses de prothèses mammaires, Dr. Bouchama répond par la négative. Selon lui, “des recherches scientifiques menées sur une vingtaine d’années ont prouvé que les prothèses mammaires n’augmentent pas le risque de développer un cancer du sein. En effet, on a très souvent recours à ces prothèses pour la reconstruction mammaire chez des patientes ayant déjà développé un cancer”.
En ce qui concerne les éventuelles complications, notamment le rejet des implants par l’organisme, Dr Bouchama se veut rassurant. “Le matériel destiné aux prothèses mammaires comme au fessier, aux mollets, pectoraux, valves cardiaques ou valves neurologiques, a évolué avec le temps. Aujourd’hui, les corps étrangers sont traités médicalement pour être biocompatibles, c’est-à-dire ne pas être rejetés par le corps humain”, souligne le plasticien-chirurgien. Selon lui, il y a plutôt des risques liés au mode opératoire. “Quand l’intervention se fait derrière le muscle, le risque qui se pose est que celui-ci bouge et déplace la prothèse. Donc pour un résultat optimal, il faut poser la prothèse derrière la glande et non pas derrière le muscle”.
D’autres complications peuvent émaner du non-respect des précautions d’asepsie strictes pour les prothèses - ce qui entraîne des contaminations ou infections-, ou de l’utilisation de prothèses qui ne sont pas de bonne qualité (silicone industriel au lieu du silicone médical) et qui sont incompatibles avec le corps humain, détaille-t-il.
Le lipofilling mammaire pour une augmentation naturelle
La deuxième grande méthode pour augmenter le volume mammaire d’après Dr Bouchama, c’est le lipofilling. Autrement appelé l’injection de sa propre graisse dans les seins. “On récolte la graisse du corps de la patiente (les hanches, le dos, les poignets d’amour..) et on la réinjecte, mais pas n’importe où ni n’importe comment. A l’intérieur de la glande c’est totalement déconseillé: quand on fera des mammographies il y aura des calcifications et on ne pourra pas savoir si cela est lié à la graisse qui était injectée ou bien à un cancer. Donc cela pose problème dans la détection d’un cancer. C’est pour cela que les recommandations scientifiques concernant le lipofilling mammaire indiquent qu’il faut absolument injecter sous, autour ou au-dessus de la glande mais jamais dans la glande”, insiste-t-il.
“Deuxièmement, la graisse doit être déposée sous forme de grains (de micro-particule) et non pas de masse parce que si on le fait, la graisse n’est pas vascularisée et tout le volume va fondre et en conséquence on n’aura aucun résultat”, souligne Dr Bouchama. Pour chaque procédé, il y a des avantages et des inconvénients. “Pour le lipofilling mammaire, on ne peut pas dépasser par injection 150 ml, ce qui représente un volume trop petit pour une augmentation mammaire. Donc il va falloir faire plus d’une séance d’injection pour compléter le volume nécessaire à l’augmentation”, précise-t-il, expliquant que si on injecte plus de 150 ml par séance, la graisse s’étouffe et ne survit pas. “Pour une augmentation mammaire moyenne, il faut entre 2 et 3 séances espacées de 3 à 6 mois”, fait-il savoir. La graisse peut aussi être utilisée comme complément, dans des cas spécifiques, par exemple chez une patiente très maigre qui porte d’anciennes prothèses qu’on ne peut pas tout de suite enlever, pour traiter un sein déformé, pour une reconstruction mammaire…
“Dans ce cas-là, on va utiliser la graisse pour combler un creux ou bien pour ajouter une couche au-dessus de la prothèse qui dissimulera les contours marqués. C’est ce qu’on appelle un lipofilling complémentaire. C’est une association de deux éléments: prothèses et lipofilling mammaire”, souligne-t-il. Pour ce qui est de l’allaitement, Dr. Bouchama affirme que la femme portant des prothèses peut allaiter d’une façon normale et naturelle puisque les prothèses sont placées sous la glande en passant par le pli sous-mammaire sans traverser la glande elle-même. Si les prothèses et le lipofilling ne vous tentent pas Mesdames, optez pour le lifting mammaire. “Cette technique permet de remédier au relâchement des seins. Moi j’utilise une technique brésilienne en guise de prothèse naturelle, qui permet de remplir le décolleté sans utiliser de prothèses”, détaille-t-il.
Diverses méthodes mais un seul objectif: réparer les dégâts physiques et psychologiques causés par une poitrine trop plate qui peut être source de complexes et de frustration chez beaucoup de femmes.
Il y a aussi des patientes qui, après l’allaitement, ont vu leur bonnet diminuer et aimeraient le re-gonfler. Il y a aussi le facteur du vieillissement: avec l’âge, les seins ont tendance à tomber et perdent de leur souplesse et donc de leur attrait.
Mais il faut bien faire attention, car ce culte des gros seins peut pousser à des extrêmes. Une forte poitrine, c’est bien joli, mais à la Pamela Anderson, c’est exagéré ! “Moi personnellement, je recommande toujours un résultat naturel, proportionnel au corps de la patiente. Je pratique une technique sur mesure pour avoir et retrouver des seins naturels et harmonieux. C’est ce que je recommande personnellement à toutes mes patientes”, dit Dr. Bouchama.
“Quand je reçois des patientes qui demandent à avoir des volumes extravagants, j’essaie de les raisonner en leur expliquant que cela finit par abîmer la peau qui se relâche et que cela peut créer des complications. Si elles insistent, je décline la demande et je leur conseille de prendre un temps de réflexion”, affirme-t-il, ajoutant que le rôle du chirurgien ne se limite pas à exécuter les interventions qui lui sont demandées, mais il consiste également à “encadrer et éclairer la patiente en lui disant ce qui est bien pour elle et ce qui ne l’est pas”. Une mode ou un vrai besoin ? Selon Dr Bouchama, se refaire les seins n’a rien d’un effet de mode: depuis toujours des personnes complexées par un aspect de leur anatomie se font opérer.
“Certaines personnes ne le comprennent pas mais c’est une véritable souffrance psychologique. Il y a des femmes qui ne sont pas épanouies dans leur vie intime à cause de cela, d’autres qui sont obligées de mettre tout le temps des soutiens-gorges rembourrés… La chirurgie plastique aide ces femmes là à se sentir bien dans leur corps et à retrouver une auto-estime. Il faut faire la part des choses”, conclut-il.