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Nabila Freidji: diplomate affirmée, au sens patriotique prononcé

Samia Boufous
Nabila Freidji, ambassadrice de SM le Roi en Norvège et en Islande ©DR
Nabila Freidji, ambassadrice de SM le Roi en Norvège et en Islande ©DR
Le chemin de la diplomatie passe par la traduction et l’entreprenariat. C’est le parcours hors pair de Nabila Freidji. Celle qui est actuellement ambassadrice du Maroc en Norvège et en Islande, se définit plus comme une personne qui a été forgée au contact de l’autre, notamment à l’international.

“Une femme de défi, animée par des valeurs universelles, par la curiosité et le goût de l’ailleurs”, c’est comme ça que se définit Mme Nabila Freidji, ambassadrice du Maroc en Norvège et en Islande depuis 2021.

De la traduction à l’entrepreneuriat

Native de Settat, cette diplomate avertie est titulaire d’un diplôme en traduction de l’École supérieure Roi Fahd de Traduction en 1990. En 1992, elle est devenue traductrice assermentée auprès des tribunaux de Casablanca, avant d’obtenir un master en Commerce international de l’Institut supérieur de commerce et d’administration des entreprises (ISCAE) en 1995.

Forte de son expérience au sein de Wafa Monétique où elle a travaillé entre 1991 et 2002, Mme Freidji a ensuite co-fondé plusieurs entreprises, dont Cash One, une société spécialisée dans le transfert d’argent, le réseau Media Rep et l’entreprise halieutique Fred Fisheries, ainsi que le bureau de traduction Turjman.

Non seulement ça, Mme Freidji a également intégré la Confédération générale des entreprises du Maroc (CGEM) en 2012, où elle a occupé plusieurs postes de responsabilité, avant de devenir en 2018, vice-présidente en charge des Affaires internationales et des Relations institutionnelles. Si plusieurs la qualifient de “femme brillante, dotée d’une grande culture”, Mme Freidji se voit plus comme une personne qui a été forgée au contact de l’autre, notamment à l’international et qui accepte de se remettre en question fréquemment, en plus d’être une citoyenne engagée, qui croit fermement que l’action collective est garante du développement et de la prospérité de tout pays.

Dans un entretien à BAB, Mme Freidji insiste sur son profond amour pour le Maroc, rappelant tous ses efforts déployés en Norvège pour la défense des intérêts du Royaume et la consolidation du rayonnement de l’image de la patrie à l’échelle internationale.

Mme Freidji se voit plus comme une personne qui a été forgée au contact de l’autre ©MAP/Adnane Jabir
Mme Freidji se voit plus comme une personne qui a été forgée au contact de l’autre ©MAP/Adnane Jabir

Les femmes pour une diplomatie résiliente

En tant que femme ambassadeur, cette diplomate émérite pense que la femme apporte une perspective différente et complémentaire qui, croisée à celle des hommes permet d’avancer sereinement tous en assurant plus de paix et d’équilibre.

“L’histoire nous démontre et nous rappelle souvent, que les pays qui associent les femmes à la prise de décision sont plus résilients face aux crises. Dans l’histoire la plus récente, lors du crash de 2008, les entreprises qui ont le moins souffert de la crise ont été celles qui comptaient des femmes dans leurs instances de gouvernance, un phénomène confirmé aussi dans la crise encore plus récente du Covid-19”, a-t-elle fait valoir.

Dans un monde de plus en plus fragmenté, qui évolue sous la menace de conflits de guerre, de changement climatique.., la femme doit être davantage associée aux efforts pour la paix, a-t-elle dit, mettant en avant, à cet effet, la Résolution 1325 du Conseil de Sécurité sur les Femmes, la Paix et la Sécurité, qui appelle la communauté internationale de veiller à ce que les femmes participent pleinement à tous les aspects du travail en faveur de la paix et de la sécurité.

Après avoir manifesté sa fierté quant au lancement du Plan d’Action National sur les Femmes, la Paix et la Sécurité en mars 2022 dont la mise en œuvre a déjà commencé au Maroc, la diplomate a tenu à préciser que la sensibilité et l’empathie de la femme se révèlent être des atouts majeurs, surtout quand il s’agit d’accompagner les compatriotes en situation vulnérable.

D’ailleurs Mme Freidji prend très au sérieux les questions relatives à la femme et est même fondatrice du réseau des femmes leaders africaines, AWLN et est membre de ses instances de gouvernance.

Il s’agit, selon elle, d’une initiative conjointe de l’Union africaine et des Nations Unies qui repose sur six piliers et œuvre pour la transformation de l’Afrique à travers l’inclusion de la femme. Elle se veut une plateforme continentale qui fédère, s’appuie et travaille avec les réseaux de femmes existants, soutenue en cela par l’Union Africaine et les Nations Unies.

La parité comme jauge de progrès

Quand il s’agit de parité dans le domaine professionnel, Mme Freidji pense que cette dernière est le Fondement d’une société moderne et démocratique et qu’elle est nécessaire dans tous les domaines, affirmant que lorsqu’elle est conjuguée à la compétence et à l’équité, elle permet aux pays de réaliser de grandes avancées.

“Ce n’est pas surprenant d’ailleurs de constater que les pays qui ont fait le choix du progrès, ont intégré l’approche genre dans leur stratégie. Ces mêmes pays nomment de plus en plus de femmes diplomates et ambassadeurs”, a-t-elle expliqué.

Sur la question de la possibilité de concilier entre les différentes missions/tâches de femme/ambassadeur, Mme Frediji n’a pas hésité à mettre en avant la femme en tant que véritable “multitâche”, expliquant à cet effet, que dans les deux pays auprès desquels elle est accréditée, la question ne se pose plus, dans le sens où la société a intégré la contribution de la femme à tous les niveaux et que le même niveau sera probablement atteint un jour au Maroc.

“Plus sérieusement, le plus important dans cette équation c’est de réussir l’équilibre. Car la fonction d’ambassadeur, femmes autant que hommes, exige une disponibilité en permanence et un engagement total”, a-t-elle affirmé.

Pour elle, la journée mondiale de la femme est une date de bilan d’étape, une journée où on s’arrête pour faire état des avancées et où on positionne le curseur sur ce qui reste à faire. Mais pas le bilan des femmes uniquement, car c’est à travers la femme qu’on mesure les progrès de tout un pays.

Elle estime que c’est aussi l’occasion de célébrer les rôles avant-gardistes que joue la femme marocaine aujourd’hui, tout en se remémorant les combats de toutes les femmes et tous les hommes qui se sont battus pour les droits de la femme marocaine et à leur tête SM le Roi Mohammed VI, qui a édifié la femme dans son rôle moteur dans le développement de la nation.

                                    

Entretien avec Nabila Freidji

‘‘La parité doit être conjuguée à la compétence et à l’équité’’

Dans un entretien à BAB, l’ambassadrice du Maroc en Norvège et en Islande, Nabila Freidji, a mis en avant le rôle de la parité en tant que fondement favorisant le développement économique de toute société ainsi que l’apport des femmes ambassadeurs dans le domaine de la diplomatie.

“Les deux monarchies, le Maroc et la Norvège, partagent un socle de valeurs communes”, affirme Mme Freidji ©DR
“Les deux monarchies, le Maroc et la Norvège, partagent un socle de valeurs communes”, affirme Mme Freidji ©DR

BAB: En tant qu’ambassadeur femme, que pensez-vous de la parité homme-femme dans le domaine de la diplomatie ?

Nabila Freidji: La parité est le fondement d’une société moderne et démocratique. Elle est nécessaire dans tous les domaines. Lorsqu’elle est conjuguée à la compétence et à l’équité, elle permet aux pays de réaliser de grandes avancées. Ce n’est pas surprenant d’ailleurs de constater que les pays qui ont fait le choix du progrès, ont intégré l’approche genre dans leur stratégie. Ces mêmes pays nomment de plus en plus de femmes diplomates et ambassadeurs.

Au Maroc, la présence féminine au sein du ministère des Affaires Étrangères a augmenté au fil du temps. Aujourd’hui, 21% des Ambassadeurs, des Consuls et des chargés d’affaires sont des femmes.

Que de chemin parcouru depuis Lalla Aicha, première femme marocaine et arabe et même parmi certains pays occidentaux, à accéder au poste d’ambassadeur!

Ces chiffres, j’en conviens, demeurent en dessous des ambitions des femmes diplomates, mais ils restent assez honorables comparés à ceux d’autres pays. Je suis cependant confiante que la tendance dans laquelle le Maroc s’est engagé ne fera que se confirmer au profit de femmes au rang d’Ambassadeur.

Je suis aussi très fière de diriger une Ambassade qui compte autant de femmes que d’hommes diplomates!

En parlant de parité, êtes-vous engagée pour une cause qui concerne la femme en particulier?

Oui, d’ailleurs je suis fondatrice du réseau des femmes leaders africaines, AWLN, et membre de ses instances de gouvernance. Il s’agit d’une initiative conjointe de l’Union africaine et des Nations Unies qui repose sur six piliers et œuvre pour la transformation de l’Afrique à travers l’inclusion de la femme.

Elle se veut une plate-forme continentale qui fédère, s’appuie et travaille avec les réseaux de femmes existants, soutenue en cela par l’Union Africaine et les Nations Unies.

Je continue à y être active parce que mon engagement n’est pas circonstanciel et parce que je suis parfaitement persuadée que la femme africaine dispose de capacités qui lui permettent de contribuer largement au développement du continent.

Quid de l’apport des femmes ambassadeurs à la diplomatie?

Je crois que la femme apporte une perspective différente et complémentaire qui, croisée à celle des hommes permet d’avancer sereinement tous en assurant plus de paix et d’équilibre.

L’histoire nous démontre et nous rappelle souvent, que les pays qui associent les femmes à la prise de décision sont plus résilients face aux crises. Dans l’histoire la plus récente, lors du crash de 2008, les entreprises qui ont le moins souffert de la crise ont été celles qui comptaient des femmes dans leurs instances de gouvernance. Un phénomène confirmé aussi dans la crise encore plus récente du Covid-19.

Aujourd’hui, dans un monde de plus en plus fragmenté, qui évolue sous la menace de conflits de guerre, de changement climatique..., la femme doit être davantage associée aux efforts pour la paix.

D’ailleurs la Résolution 1325 du Conseil de Sécurité sur les Femmes, la Paix et la Sécurité appelle la communauté internationale de veiller à ce que les femmes participent pleinement à tous les aspects du travail en faveur de la paix et de la sécurité. Car n’oublions pas que ce sont les femmes qui sont souvent les plus vulnérables face aux conflits.

A ce propos, je me réjouis que le Maroc ait lancé son Plan d’Action National sur les Femmes, la Paix et la Sécurité en mars 2022, il y a tout juste un an et qu’il ait commencé sa mise en œuvre.

Sur un autre registre, je pense que la sensibilité et l’empathie de la femme se révèlent être des atouts majeurs surtout lorsqu’il s’agit d’accompagner les compatriotes en situation vulnérable.

Enfin je dirai que l’histoire ne peut pas s’écrire sans les femmes, y compris en diplomatie.

Selon vous, qu’est ce qui empêche de faire mieux dans ce domaine ?

D’abord, les limites qu’on se pose. Mais il est vrai que dans un contexte mondial difficile, marqué par le repli identitaire, où le multilatéralisme est mis à rude épreuve et où la force est de plus en plus utilisée, il devient difficile de défendre ses intérêts, ses valeurs et construire des coalitions avec les pays qui les partagent.

Cela nécessite un effort de communication, de connaissance mutuelle et d’identification de points de rencontre.

La tâche de l’ambassadeur devient dès lors plus ardue et plus intéressante aussi. C’est là le côté passionnant et exigeant de la diplomatie.

Et si on parlait de l’apport d’un ambassadeur marocain à la région scandinave en général et à la Norvège en particulier ?

De prime abord, peu de choses semblent réunir ou plutôt tout semble éloigner le Maroc et la Norvège, soit la géographie, l’histoire, la culture, la langue... Même les relations commerciales entre les deux pays n’atteignent pas la dimension ni le potentiel de leurs économies.Et pourtant, il suffit de peu pour se rendre compte du contraire. Au niveau politique, les deux monarchies partagent un socle de valeurs communes, un engagement multilatéral affirmé et des stratégies convergentes.

Au niveau économique, les choix stratégiques de développement des deux pays leur ont permis de jouer un rôle moteur dans leurs espaces régionaux respectifs. 

Nos ambitions de partenariat sont très grandes, le secteur de la transition énergétique pour ne citer que celui-ci, est un point de rencontre qui façonnera indéniablement l’avenir des deux pays.

Au niveau culturel, les norvégiens, tout autant que les marocains, sont curieux et ouverts aux cultures et aux confessions de tous bords.

Je dirai alors que les efforts de l’ambassadeur dans cette partie du monde, devraient se concentrer sur une meilleure connaissance commune, éclairer et rapprocher les points de vue et construire la confiance préalable à tout partenariat durable.