Un mois après le déclenchement de l’affaire Benbattouche, on est en droit de se demander à quoi joue l’Espagne?
Après les révélations de Jeune Afrique sur l’hospitalisation en Espagne de Mohamed Benbattouche, le voisin du nord commença par nier tout en bloc, première entorse à l’éthique, à la morale et au bon voisinage.
Mais devant les évidences étalées sur la place publique, le gouvernement de Madrid, comme au réveil d’un cauchemar, reconnaît la présence sur son territoire d’un criminel de guerre notoire, poursuivi pour crimes contre l’humanité, selon la qualification de la justice espagnole elle-même. Bizarrement, Madrid se justifia devant le Maroc et face à sa propre opinion publique en brandissant de soi-disant “raisons humanitaires”. Les mêmes raisons humanitaires qui sont reconnues au bourreau et refusées à ses victimes, dont la seule requête est que justice soit faite. C’est la deuxième entorse à l’éthique et à la morale politique, puisque le Gouvernement espagnol avait fait serment devant le Roi d’Espagne de défendre l’honneur de ses concitoyens, mais il s’est dégonflé en passant un pacte avec les généraux véreux d’Alger pour que Benbattouche ne réponde pas de ses crimes face à la justice espagnole. Complicité aggravée d’un gouvernement déloyal et politiquement miyope.
La crise migratoire dans le préside occupé a donné l’occasion à Madrid de commettre une troisième entorse à l’éthique diplomatique, en donnant 30 minutes à l’ambassadeur du Maroc pour une réunion au ministère des Affaires étrangères, sachant pertinemment qu’il en fallait beaucoup plus pour traverser la grande artère de la Castellana, au centre de Madrid et qui relie le siège du ministère à l’ambassade du Maroc. La volonté de l’humiliation à l’égard d’un partenaire stratégique est évidente. Cause perdue, parce qu’on humilie pas impunément le symbole d’une nation millénaire.
La quatrième entorse à l’éthique, à la morale et au simple bon sens a été commise par Madrid lorsqu’il a tenté d’impliquer l’Union Européenne dans un différend diplomatique bilatéral, afin de détourner le regard du motif principal de la crise, sachant que le gouvernement espagnol n’avait pas informé Bruxelles de l’impair qu’il s’apprêtait à commettre en violation de toute déontologie européenne. Comme dans une rixe de quartier, le petit frère morveux et chialeur (Madrid en l’occurrence) a tenté de faire appel au grand frère costaud et craint pour impressionner le voisin et faire passer à la trappe la cause du différend. Cause perdue encore une fois, parce que le Maroc et l’UE entretiennent des relations qui transcendent ses Etats membres.
Sûr de son bon droit et de la solidité de ses arguments, le Maroc continue de réclamer loyauté et clarté de la part de Madrid dans cette affaire.
Heureusement que des voix de la sagesse commencent à se faire entendre de l’autre côté du détroit. La plus audible a été celle de José Bono, ancien ministre de la défense sous Zapatero. Le gouvernement de Madrid serait bien inspiré de les écouter et de rétablir la confiance entre les deux pays. Autrement, c’est le pourrissement, voire “la rupture”.