Aller au contenu principal

Zakia El Midaoui: la diplomatie, un art, une culture

Amine Harmach
Zakia El Midaoui, ambassadrice de SM le Roi en Bulgarie et en Macédoine du Nord ©MAP
Zakia El Midaoui, ambassadrice de SM le Roi en Bulgarie et en Macédoine du Nord ©MAP
Décrite par son entourage proche comme une femme animée par un haut sens de la responsabilité, Zakia El Midaoui a à son actif une carrière de 40 ans au sein du ministère des Affaires Étrangères. Toute une expérience que la diplomate espère un jour partager grâce à l’écriture et l’édition d’un livre retraçant les succès et les différentes péripéties de sa carrière et son expérience de femme dans les dédales de la diplomatie.

Zakia El Midaoui est, depuis 2016, Ambassadeur du Maroc en Bulgarie et en Macédoine du Nord.

Une mission marquée par une importante implication de l’Ambassade du Maroc dans la vie sociale et culturelle en Bulgarie

Et pour cause, Zakia El Midaoui, aime les livres, la musique, l’art et les artistes en général. Fière du riche patrimoine de son pays et dotée d’une ouverture d’esprit et d’un haut sens de la diplomatie, cette native de Tissa, province de Taounate, a réalisé plusieurs activités dans une vingtaine de villes. Des événements qui ont largement contribué à enrichir la vie culturelle notamment à Sofia et dans d’autres villes et villages des autres régions de la Bulgarie ainsi que dans la capitale macédonienne, Skopje.

Et ce, après avoir constitué un ensemble de connaissances et de relations au niveau central dans les différents secteurs de l’administration, du parlement, des partis politiques, de la société civile et de la presse dans ses pays d’accréditation.

À travers ces actions, Zakia El Midaoui a cherché à rapprocher la culture marocaine du citoyen bulgare et macédonien.

L’art et la culture, un pont entre les civilisations 

Ses activités ont notamment consisté en le soutien des artistes peintres, musiciens, chanteurs, danseurs, poètes et écrivains locaux. Ainsi, à diverses occasions, dont les festivals où le Maroc est régulièrement l’invité d’honneur, il a été question de la présentation des différentes facettes du patrimoine culturel marocain y compris la richesse et la diversité de la gastronomie marocaine, les tenues vestimentaires traditionnelles, en particulier les caftans, les tekchetas et les djellabas, la mise en valeur des produits de l’artisanat (poterie, bois, cuir, cuivre …), la promotion des produits du terroir marocain à l’instar de l’huile d’Argan et des olives et leurs dérivés.

De même, lors de ces manifestations culturelles, les atouts économiques du Maroc, notamment en matière touristique et d’opportunités d’investissement, ont été mis en exergue. C’est que le dynamisme culturel de cette diplomate émane de sa conviction que “là où la politique divise les  personnes et les pays, la culture, sous toutes ses manifestations, pourrait les rassembler”.

Aussi, les événements culturels sont-ils, pour elle, des opportunités pour connaître un plus grand nombre d’acteurs de toutes les sphères et dans tous les domaines, ce qui enrichit son réseau de connaissances et d’amis.

Zakia El Midaoui est, depuis 2016, ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire du Maroc en République de Bulgarie et en République de Macédoine du Nord ©MAP/Adnane Jabir
Zakia El Midaoui est, depuis 2016, ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire du Maroc en République de Bulgarie et en République de Macédoine du Nord ©MAP/Adnane Jabir

La diplomatie, une carrière de 40 ans

Décrite par son entourage proche comme une femme animée par un haut sens de la responsabilité et du patriotisme, optimiste, humble, curieuse et à l’écoute des autres, Zakia El Midaoui a à son actif une carrière de 40 ans au sein du ministère des Affaires Étrangères, de la Coopération africaine et des Marocains résidant à l’étranger.

Parcours durant lequel, elle a assumé plusieurs responsabilités à différents échelons de la hiérarchie où elle a progressivement escaladé l’échelle administrative pas à pas, en étant un simple cadre administratif, puis Cheffe de Service, Cheffe de Division pour finir par occuper pendant une longue période le poste de Directeur de la Coopération Multilatérale et des Affaires Economiques Internationales (de 2009 à 2016).

A ce titre, elle a participé à une série de négociations à complexité croissante lors de diverses rencontres et conférences à l’échelle régionale comme à l’international, ayant trait aux droits de l’Homme, à la condition de la femme, au réchauffement climatique ou encore au système commercial multilatéral ou à la finance internationale.

Fille de père et mère anciens résistants

Issue d’une famille d’anciens résistants, Zakia El Midaoui est la fille de Feu Ahmed El Midaoui,  qui était l’un des fondateurs du mouvement de libération nationale. D’ailleurs, il était responsable coordonnateur des résistants pour les régions de Fès, Taounate, Taza, Al Hoceima et Tétouan. A ce titre, il a été désigné, par ses pairs, Chef des services secrets œuvrant contre l’occupation dans ces régions. Feue sa mère était également l’une des rares femmes anciennes résistantes au même titre que ses oncles, eux aussi d’anciens résistants.

C’est donc nourrie au militantisme dès son jeune âge, qu’elle a toujours rêvé de servir son pays. C’est pourquoi le métier de diplomate était parmi les rares qui l’ont toujours passionné. Représenter son pays, défendre ses nobles causes au niveau bilatéral et multilatéral, prendre part aux négociations internationales ou encore participer aux différents forums ayant trait à des sujets d’intérêt majeur au niveau international et régional à l’instar des droits de l’homme, de l’environnement, des questions liées au développement économique (…) étaient pour elle un rêve d’enfant.

À cet égard, une fois ses études de commerce et de finances terminées, et dès que l’opportunité s’était présentée, elle n’a pas hésité à embrasser la carrière diplomatique qui correspondait à sa conviction première d’être au service de son pays. D’autant plus, estime-t-elle, que le travail d’un diplomate englobe aussi un volet très déterminant, et qui va de pair avec le volet politique: il s’agit du monde de l’économie.

Dans ce sens, il y a lieu de souligner qu’elle est économiste de formation, titulaire d’un baccalauréat en économie et comptabilité, d’une licence en sciences financières et commerciales et d’une spécialité en marketing et études des marchés.

Il va, donc, sans dire que tout au long de sa carrière professionnelle, elle a pu accumuler une riche et enrichissante expérience, et côtoyer de près les rudiments de la diplomatie, sachant que la liste des savoir-faire et des savoir-être est impressionnante.

Écrire pour partager son expérience

Un diplomate est confronté tous les jours à des défis de tout genre. Pour les relever, il doit être audacieux, entreprenant, et connaître les spécificités du pays d’accréditation, que ce soit au niveau national ou régional, puis trouver les meilleurs moyens susceptibles de lui permettre d’atteindre ses objectifs qui se résument dans la défense des intérêts de son pays. “C’est la stratégie que j’ai faite mienne depuis le début de ma mission en République de Bulgarie et en République de Macédoine du Nord”, explique-t-elle. Toute une expérience que Zakia El Midaoui espère un jour partager grâce à un projet qui lui tient à cœur: l’écriture et l’édition d’un livre retraçant les succès et les différentes péripéties au cours de sa carrière et son expérience de femme dans les dédales de la diplomatie.

Faut-il le remarquer : la bibliothèque marocaine est pauvre en ouvrages du genre. “Un livre, que j’ambitionne, serait à la fois un recueil de mes expériences passées et des enseignements tirés durant mon parcours professionnel. Un ouvrage, que j’espère, sera destiné principalement aux jeunes intéressés par la carrière diplomatique, mais aussi pour mettre en lumière les efforts incessants que ne cessent de déployer chaque jour les diplomates marocains, ces soldats de l’ombre, quel que soit leur grade et leur titre, pour que notre pays soit au-devant de la scène mondiale et jouisse de l’estime de la communauté internationale, et surtout défendre sa vision et sa place dans le concert des nations”, conclut-elle.

                                 

Entretien avec Zakia El Midaoui

‘‘Le diplomate est un nomade civilisé’’

Zakia El Midaoui, ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire du Maroc en République de Bulgarie et en République de Macédoine du Nord, est convaincue que là où la politique divise les gens et les pays, la culture, sous toutes ses manifestations, pourrait les rassembler.

“La mission d’un ambassadeur dans un poste multilatéral est différente de celle d’un ambassadeur représentant son pays en bilatéral”, souligne Mme El Midaoui ©MAP
“La mission d’un ambassadeur dans un poste multilatéral est différente de celle d’un ambassadeur représentant son pays en bilatéral”, souligne Mme El Midaoui ©MAP

BAB: Vous êtes convaincue que le pouvoir de la culture et de l’art est plus fort que celui des politiques pour réunir les peuples. D’où vient cette conviction et comment se manifeste-elle dans votre action ?

Zakia El Midaoui: De nos jours, la culture est une composante essentielle de la diplomatie. Elle est par essence l’instrument par excellence pour promouvoir l’image d’un pays et accroître sa visibilité sur la scène internationale. Elle participe ainsi à la tolérance à travers l’affaiblissement des préjugés injustes et mal fondés où les conflits idéologiques, religieux et raciaux prennent le plus souvent leur source, dans un monde plein de discordes et de guerres et où le nationalisme et l’extrémisme, sous toutes ses formes, est en plein essor.

Depuis Son accession au Trône, Sa Majesté le Roi Mohammed VI, que Dieu L’assiste, a fait de la culture une priorité nationale. Notre Souverain ne cesse d’entourer ce secteur, considéré comme primordial dans le processus du développement socio-économique du Maroc, de Sa Haute Sollicitude. D’ailleurs, cette vision Royale est inscrite dans la Constitution de 2011, qui revendique l’attachement du Royaume aux valeurs d’ouverture, de modération, de tolérance et de dialogue pour la compréhension mutuelle entre toutes les cultures et les civilisations du monde, et qui énonce l’engagement des pouvoirs publics à apporter leur soutien au développement de la création culturelle et artistique.

Je suis parfaitement convaincue que là où la politique divise les peuples et les pays, la culture, sous toutes ses manifestations, pourrait les rassembler. Grâce à l’impulsion Royale, notre pays est à la pointe de la communication et de l’interaction culturelles et intellectuelles entre les communautés et les nations, l’objectif étant de renforcer la compréhension entre les différentes cultures, indépendamment de la race, de la couleur, de l’ethnie et de la religion. C’est aussi un moyen efficace de combler le fossé entre les cultures et les peuples et un facteur important pour établir et maintenir la paix, la sécurité et la stabilité, au bénéfice du bien-être et de la dignité humaine des communautés et des peuples.

Je crois fermement que les échanges culturels enrichissent la vie politique, sociale et culturelle des nations, contribuent à leur rapprochement et renforcent le respect mutuel et l’amitié entre les peuples. En tant qu’Ambassadeur de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, que Dieu L’assiste, en République de Bulgarie et en République de Macédoine du Nord, j’attache une grande importance à traduire cette conviction sur le terrain de la réalité, et ce à travers l’initiation ou la participation à d’innombrables actions culturelles dans toutes les régions de la République de Bulgarie et de la République de Macédoine du Nord. Le Maroc, à l’instar de ces deux pays, est doté d’un héritage historique et civilisationnel extraordinaire et accorde au patrimoine culturel une importance particulière. Les trois pays sont également fiers d’être dépositaires d’un tel trésor, partie prenante de leur identité nationale. Il va sans dire que ce constat favorise les échanges et balise le terrain pour le développement de relations fructueuses entre le Maroc et mes deux pays d’accréditation.

La mission de diplomate dans un pays étranger peut être complexe évoluant dans un milieu extrêmement codifié. Comment avez-vous réussi à comprendre la culture et la société bulgares et à vous intégrer dans la vie diplomatique de ce pays dans lequel vous avez été désignée. Quels ont été vos outils pour ce faire? Et comment mettre de la créativité dans ce milieu cadré et fait de nombreux protocoles?

Comme vous le savez, le métier de diplomate n’est pas de tout repos, de surcroît plein d’imprévus. C’est un métier qui se caractérise par sa grande sensibilité et les défis au quotidien auxquels chaque diplomate est confronté, que ce soit sur le plan personnel ou professionnel.

Sur le plan personnel, pour moi le diplomate est un “nomade civilisé”, car sa situation n’est pas stable et il se déplace d’un pays à l’autre tout au long de l’exercice de ses fonctions au Ministère. Je ne vous cache pas les répercussions négatives qui pourraient résulter de cette situation sur sa famille, notamment pour les enfants qui ont du mal à s’adapter à un milieu différent d’un pays à l’autre, ce qui pourrait avoir des conséquences négatives sur leur stabilité psychologique et morale, et partant sur leur santé mentale et leur scolarité. Cette situation affecte aussi inévitablement le moral du diplomate.

Quant au niveau professionnel, les défis sont nombreux, ce qui demande au diplomate d’être très prudent, que ce soit en ce qui concerne ses interventions et ses échanges, au sujet desquels il doit tenir compte des exigences de l’aspect protocolaire, qui est un élément important dans le domaine diplomatique, ou s’agissant de ses comportements privés et publics qui doivent être caractérisés par la sobriété et la courtoisie, car la personnalité du diplomate passe forcément à travers son charisme par lequel il s’impose dans son environnement de travail. En fait, la liberté du diplomate est restreinte, car sa responsabilité est grande et pleine de risques.

En somme, le travail de représentation est également lié au style personnel et à la personnalité de l’ambassadeur de représenter les valeurs et les intérêts de son pays et qui les traduit en actes différemment d’un ambassadeur à un autre. Agir selon son style propre en s’adaptant à des environnements variables, tout en restant suffisamment dans la ligne déterminée par le Ministère, suppose une certaine expérience et tact qu’il acquiert grâce à la confrontation répétée à des situations diverses. 

De surcroît, la mission d’un ambassadeur dans un poste multilatéral où il doit souvent mener des négociations sur différentes thématiques et questions stratégiques est différente de celle d’un ambassadeur représentant son pays en bilatéral (dans un autre pays).

Quant au deuxième volet de votre question se rapportant à l’assimilation de la culture bulgare et l’intégration dans la vie diplomatique de ce pays, les choses ont été un peu difficiles au début. Cependant, je me suis vite acclimatée à ma nouvelle situation et je pense avoir trouvé une place considérable aussi bien au sein de la société bulgare, qu’au niveau du cercle diplomatique. 

Pouvez-vous nous parler de vos diverses distinctions qui ont récompensé votre action diplomatique en Bulgarie?

Depuis 2019, je suis Présidente d’honneur de l’Orchestre philharmonique de Sofia “New Symphony Orchestra/NSO”, fondé en 1991 par la critique musicale Julia Hristova et composé de 800 talentueux musiciens bulgares. L’Ambassade est partenaire officiel de la Campagne nationale “Merveilles de la Bulgarie”, qui vise à promouvoir la culture bulgare, sachant que la Bulgarie est classée troisième au niveau européen pour ce qui est de la richesse et de la diversité de sa culture. 

D’ailleurs, j’ai reçu le prix de “l’Ambassadeur des Miracles de Bulgarie” de cette Organisation en 2022. Je suis également membre d’honneur de l’Organisation caritative “For Our Children”, qui s’occupe des enfants les plus démunis. J’ai été désignée “Mécène” en hommage à mon soutien aux jeunes talents, par la “Fondation l’Europe et le Monde”, dont le champ d’action est dirigé vers l’intégration des jeunes dans la vie active. 

En témoignage à ma contribution au développement des relations littéraires bulgaro-marocaines et à l’intérêt qu’accorde l’Ambassade du Maroc à Sofia aux écrivains et poètes bulgares, M. Boyan Anguélov, Président de l’Union des Écrivains Bulgares (UEB) m’a remis au nom de son Institution, en 2020, le Trophée de la Diplomate intellectuelle et un “membership” d’honneur au sein de l’UEB.

De même, j’ai eu l’honneur de recevoir en 2020 de la part de Mme Nadia Yakine, Présidente du Conseil des Marocaines du Monde (CMM), le Trophée de la Diplomate cultivée et un “membership” d’honneur permanent audit Conseil, à l’occasion de l’organisation à Sofia du 1er Salon culturel diplomatique sous le thème “Les femmes et leur rôle dans la promotion des relations culturelles et diplomatiques entre les pays”, par le CMM, en collaboration avec l’Ambassade du Maroc à Sofia, sous le Haut Patronage du Roi Siméon Saxe-Cobourg-Gotha de Bulgarie, et en partenariat avec la Fondation Hassan II pour les Marocains Résidant à l’Etranger, le Conseil de la Communauté Marocaine à l’Etranger, et en coordination avec l’UEB précitée, l’Association 21ème Siècle “Montrer les traditions” et le Magazine “Diplomatic Spectrum”, avec le soutien de l’Association des professeurs de français en Bulgarie et du fameux Groupe bulgare de danse  “Sofistic Jivo”. 

Au niveau du cercle diplomatique, je suis à la fois, Doyenne du Groupe des Ambassadeurs Arabes et du Groupe des Ambassadeurs Africains, en Bulgarie. Je préside également le Groupe des Ambassadeurs Francophones (GAF) accrédités en Bulgarie.

Par ailleurs, avant de conclure mes propos, je me dois de rendre hommage à toutes celles et tous ceux qui travaillent, à longueur d’année et sans relâche, en faveur d’un meilleur quotidien des femmes marocaines, en général, et des femmes diplomates, en particulier. 

Je mentionne, particulièrement, tous les acteurs gouvernementaux et non gouvernementaux,  nationaux et internationaux en charge de la question de la femme. Ma reconnaissance va, également, aux élus, à la société civile, aux chercheurs, aux médecins, aux sociologues, aux hommes de loi et aux médias ainsi qu’à celles et ceux qui animent et enrichissent le débat sur la condition de la femme au Maroc, contribuant ainsi à instaurer un véritable travail de pédagogie en direction de tous nos concitoyens.

Enfin, je saisis cette exceptionnelle opportunité pour exprimer, à l’occasion de la Journée Internationale de la Femme célébrée annuellement chaque 8 Mars, mes sincères vœux de succès, de bonheur et de santé à toutes les femmes marocaines.